Cartographie érotique de Lausanne – bis
© Le Point V
Suite de notre tournée lausannoise du désir, ce texte a été lu à haute voix durant le Dépanneur Salon du 30 novembre 2022.
Dans une maison lausannoise
Vu la taille du salon, ils ont dû organiser un paquet de teufs ici. Ça dérapait comment un bal au 19e siècle ? Je pense à tous les touristes anglais qui venaient « prendre le grand air suisse » dans cet ancien hôtel. Si je me retrouvais plongée dans cette foule dansante sur son 31. La tête légère et les joues rouges d’avoir tant tourné, les mains humides de toutes les paumes qui s’y seraient succédé. Je m’échapperais aux toilettes, grisée. Je relèverais toutes les couches de ma robe. Je faufilerais les doigts sous mes bas.
Les vibrations profondes de la contrebasse rebondissent contre les fenêtres. Elles emplissent l’espace, nous unissent dans une communion fugitive. A côté de moi, sur une cuisse anonyme, une main bat la mesure. Ongles ras, doigts larges, quelques poils noirs. Un grain de peau inconnu, que mon regard caresse et apprivoise vite. Je crois que je les laisserais bien glisser dans ma chatte.
Toutes ces portes fermées, cloisons fines entre le salon bondé et les pièces vides. Si on s’éclipsait un moment, personne ne remarquerait. Je lui lancerais un regard sans équivoque et il me suivrait des yeux au moment où j’entrerais l’air de rien dans la chambre. Si quelqu’un me prenait en flag’, je dirais que je cherchais les toilettes.
Je l’attends dans l’obscurité, le cœur qui palpite. Jamais jouer à cache-cache n’a été aussi excitant. Quelques secondes plus tard, un rai de lumière éclaire brièvement la pièce quand il pénètre à son tour dans la chambre.
Je rejoindrais le salon en luttant pour contenir un trop large sourire. J'apercevrais mon reflet dans la porte vitrée qui relie le hall au séjour. Putain mes cheveux! C’est clair j’suis grillée!
Il commence à y avoir de la buée sur les vitres, ça donne chaud 100 personnes dans une pièce. J’imagine vos bouches se découvrir, vos souffles s’entremêler, vos langues s’épanouir. Le contact de toutes ces peaux nues réunies, où chaque corps procure des sensations uniques, mystiques. Les ondulations de vos hanches aux rythmes variés, aux pressions multiples. Stimuli visuels, stimuli sensoriels.
– Viens derrière moi
– Mords-moi
– Prends-moi
– J’ai envie de vous
Étreintes collectives, orgasmes fantasmés.
Je t’observe fumer ta cigarette roulée à la fenêtre, loin de la scène. Je me lève, love mon corps derrière le tien, dévore ta nuque. Ton regard reste fixé sur les lumières du jardin. Je pourrais être une autre, un autre. Absorbé·e·s par les lectures, personne ne nous voit dans cette niche vitrée. Je suce mon index et mon majeur et les introduis dans ton jeans.
Elle est de nouveau là. Ça va être aussi dur qu’au dernier Dépanneur de ne pas me laisser distraire par sa présence. Je voudrais ne regarder qu’elle, me laisser submerger par cette excitation nerveuse qui rend tous les gestes fébriles et saccadés, qui te fait renverser ta bière, rire trop fort, ne pas savoir quoi dire quand elle est enfin en face de toi. Je te kiffe trop meuf, t’es trop belle.